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à jour
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«Bataille de gangsters», disait l'autre jour
M. Delesalle.
Les
rapports:
le commissaire Faux-Pas-Bidet, M. Jean
de Lubersac, le frère du défunt sénateur
(vieilles relations 1917)... Lucco, Weiller
Hypothèse:
Les escrocs et les maîtres chanteurs dont
il a parlé, qui sont-ils?
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Title : Cyrano (Paris. 1924) Title
: Cyrano : satirique hebdomadaire / réd. en chef Léo
Marchès Publisher : [s.n.] (Paris) Date of publication :
1924-1940 Type : texte,publication en série imprimée
Language : FrenchFormat : application/pdf Copyright : domaine
public Identifier : ark:/12148/cb327537623/date Identifier : ISSN
11604794 Source : Bibliothèque nationale de France,
département Droit, économie, politique, JO-67833
Relation: http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb327537623 Provenance :
bnf.fr
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16 Octobre 1932.
Cette semaine...
L'Affaire
Depuis la fin .de la semaine dernière,
M. Brack se refusait à ordonner l'arrestation
de M. Bouilloux-Lafont.
Le parquet la demandait, quoiqu'en ait dit
M. Léon Blum...
Mais ce qui- semble peu compréhensible, c'est l'intervention de M. de Lubersac. Pour quelle raison ce gentleman encore
fortuné, agent de premier plan du deuxième
bureau, accepta-t-il
d'apporter à M. Bouilloux-Lafont la preuve de l'authenticité des
deux chèques Dumesnil et du chèque Ceccaldi,
manifestement faux, et lui en apporta-t-dl une
confirmation motivée forgée de toutes pièces?
Quelle est encore la raison de son silence
singulier, de son dévouement obscur et chevaleresque?
N'attendant rien de M. de Lubersac qui a affirmé son caractère dans des missions singulièrement plus dangereuses que cette
aventure où, du reste, il ne risque pas grand-chose, le parquet pensa obtenir davantage
de M. Faux-Pas-Bidet.
Le commissaire Faux-Pas-Bidet et M. Jean
de Lubersac, le frère du défunt sénateur,
sont de vieilles relations.
En 1917, M. Faux-Pas-Bidet appartenait,
en Russie, à la mission militaire française. et entretenait avec les bolchevistes des rapports
très officiels. M. de Lubersac, chargé d'une
mission plus officieuse, était à ce moment
chef de la sûreté de Trotsky. Par quel miracle ? Dieu seul le sait.
Suspecté par la Tchéka, le commissaire
allait être arrêté et légalement assassiné
par
les bourreaux lettons comme espion, quand
le camarade de Lubersac, devançant la Tchéka, le fit arrêter
et condamner à mort. Il oublia
seulement de le faire exécuter jusqu'au moment, où un échange de prisonniers permit
au chef de la sûreté de Trotsky de troquer
le condamné contre une centaine de Russes.
M. de Lubersac, à son retour en France, est
devenu
un des agents les plus appréciés de M. Faux-Pas-Bidet dépendant du deuxième
bureau, auquel ressortit également Lucco-Collin...
Certains journaux d'extrême gauche, notamment Le Populaire et L'Humanité, en ont profité pour prendre à partie le deuxième bureau militaire.
Or le deuxième bureau militaire n'a rien
à voir avec les faux Lucco.
M. Léon Blum, qui derrière Lucco veut
attaquer notre état-major et le général
Weygand, ne peut pas ignorer que nos services de contre-espionnages comprennent
une section militaire, et une section civile.
La section civile — dont fait partie M. Faux-Pas-Bidet — dépend de la Sûreté
générale et est exclusivement chargée du contre-espionnage à l'intérieur.
Il y a évidemment liaison entre les deux
sections. Mais la liaison a lieu par en haut,
et non par en bas.
On peut penser des experts ce que l'on
voudra. Il est troublant qu'après les aveux
de Lucco les deux experts maintiennent leurs
conclusions.
Il a donc fallu, pour qu'ils puissent être
trompés, que les faux soient parfaitement
exécutés, c'est-à-dire d'après des «calques».
Pour faire des faux en aussi grand nombre
Lucco a donc dû avoir à sa disposition un nombre considérable de pièces authentiques
Paul-Louis Weiller.
D'où, de qui les tenait-il ?
Hypothèse:
Si l'on considère, qu'en somme, toute l'affaire profite à M. Weiller, apparu maintenant
dans la blanche tunique de l'innocence persécutée, on peut rappeler le vieux proverbe Is fecit cui prodest, cité par Cyrano l'autre semaine.
Il existe un dossier Weiller aux renseignements généraux. Lucco le connaît.
Il va trouver M. Weiller pour lui révéler
la chose et le faire chanter.
Premier mouvement de M, Weiller: «Je ne marche pas.»
Lucco insiste. Second mouvement de M. Weiller: «Je marche».
Puis, se reprenant: «Attendez, je fais marcher.»
Et alors, toute la combinaison s'échafaude.
Lorsque des pièces gênantes existent, il est un moyen classique de leur ôter toute valeur probante: on les noie dans un flot de pièces
fausses.
Supposez qu'après avoir eu ce trait de génie, M, Weiller ait dit à Lucco:
— Portez les pièces fausses à Bouilloux-Lafont.,. Double profit pour vous...
Que vaut cette hypothèse? Ce que valent
des déductions hasardées d'après les maigres
renseignements fournis sur cette mystérieuse, histoire, dont tant de détails rappellent une
autre «Affaire» où s'agitaient des personnages fort analogues à Lubersac, à Lucco et à
M. Faux-Pas-Bidet.
Et puisque nous notons cette obligatoire assimilation, qu'il nous soit permis de révéler les inquiétudes précises de Lucço qui,
pensant à un autre agent du deuxième bureau, ayant joué le rôle que l'on sait dans
l'autre «affaire», refuse d'avance le lacet
de Lemercier-Picard.
«Bataille de gangsters», disait l'autre jour
M. Delesalle, rapporteur du budget de l'air,
en parlant de cette étrange histoire qui ressortit aux «histoires de brigands» autant
qu'à l'histoire tout court.
Et le député du Pas-de-Calais expliquait
cette qualification en ajoutant, comme la presse l'a répété:
«Toute une bande d'escrocs gravitent autour du ministère de l'Air, n'exerçant d'autre
mission que celle du chantage.»
On comprend parfaitement cette explosion
de colère de la part d'un homme aussi intègre
et aussi scrupuleux que M. Delesalle.
Mais il en a trop dit, où pas assez.
Les escrocs et les maîtres chanteurs dont
il a parlé, qui sont-ils ?