S'il est un mot magique dans l'histoire de l'Aéronautique, c'est bien celui de l'Aéropostale que l'on confond souvent avec celui de la Postale de Nuit de l'après Seconde Guerre mondiale et Air Bleu.
Il faut rappeler que la Compagnie Générale Aéropostale prit la suite des Lignes Latécoère au tout début de 1927 sous l'impulsion d'un homme exceptionnel: Marcel Bouilloux-Lafont. Passionné d'aviation, ce banquier chaleureux avait du coeur, ce qui est bien sûr un grave défaut pour un homme de la finance. Il devait en quelques mois donner un incroyable essor à cette société, parfaire l'oeuvre entreprise entreprise par Pierre-Georges Latécoère en concrétisant son rêve tant décrié: ouvrir la ligne de l'Atlantique Sud, tout en confiant à Paul Vachet le soin de défricher le continent sud-américain.
Il faut rappeler que ce meneur d'homme fut le patron des plus grands et de Didier Daurat entré vivant dans la légende. La liste de tous ceux qui ont donné leur vie pour cette grande oeuvre serait trop longue à publier.
En très peu de temps, de nouveaux terrains sont ouverts et Marcel Bouilloux-Lafont donne à l'aviation française une place éminente dans le transport aérien dans l'Amérique du Sud. Il s'intéresse également à l'Atlantique Nord et conclut avec les Portugais des accords qui auraient permis aux appareils de sa compagnie d'utiliser des relais essentiels et vitaux pour les futures lignes aériennes qu'il projette sur le nord de l'Atlantique. C'est dès lors l'union sacrée des concurrents contre cet homme visionnaire qui a placé sa fortune au service de l'aviation de son pays.
Entre-temps la crise de 1930, la grande dépression comme on l'a appelée, met le système bancaire de Marcel Bouilloux-Lafont en difficulté, tandis que les pouvoirs publics en France se dérobent et lui refusent les crédits qu'on lui promis. Marcel Bouilloux-Lafont est alors menacé par ses concurrents et par l'action conjuguée de certains parlementaires dont l'aveuglement politique n'alla pas au delà de ce qu'il eut fallait faire pour maintenir la présence de la France sur l'Atlantique sud et l'Amérique latine.
Dans son livre Mes Vols, Mermoz révèle que «nous avions alors quatre ans d'avance sur la concurrence étrangère», puis que «lâchement abandonné et dépouillé, il dut s'incliner» et il ajoute qu'il croit et qu'il est sûr qu'un jour ou l'autre justice sera faite et que l'on comprendra que cet homme a réalisé et essayé de faire pour que la France puisse être et demeure grande en Amérique du Sud.
Jean Lassere    Conservateur du Musée Air France 1989. Extrait préface du livre de Raymond Danel L'aéropostale 1927-1933