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AEROPOSTALE 




Lettre de M. Marcel Bouilloux-Lafont à la presse (Extraits de la Liberté et de l'Ordre du 7 mars 1931) source





L'Aéropostale traverse une crise, mais elle n'est pas menacée dans son existence.
De quoi souffre l'Aéropostale ?
D'un seul mal, celui de n'avoir qu'une convention de trop courte durée.
Alors que les conventions des Compagnies de chemins de fer ont une durée de 99 ans, celles des Compagnies de navigation maritime subventionnées, une durée de 3o ans, celle de l'Aéropostale n'a plusque trois années à courir.
Comment peut-on concevoir qu'une entreprise de navigation aérienne, exploitant une ligne d'une étendue de plus de 15.000 kilomètres, desservant trois continents, l'Europe, l'Afrique, l'Amérique du Sud, une Compagnie qui a équipé 16 aérodromes, qui possède 70 postes de T.S.F., 8 bateaux, 200 avions, puisse courir longtemps le risque que représente une concession, d'une si faible durée ?
Une partie des capitaux nécessaires à celte organisation a être fournie à la Compagnie par les banques de son groupe, lesquelles ont investi dans les affaires d'aviation  de l'Aéropostale plus de 170 millions, soit sous forme d'actions, soit sous forme d'avances.
Peut-on faire grief au groupe qui a pris la direction de l'Aéropostale de lui avoir fourni dans de telles proportions les appuis financiers dont elle avait besoin?
Si la Compagnie a cru devoir, dès le début, effectuer toutes les dépenses nécessaires à l'organisation complète de sa ligne, c'est que, face à face avec des concurrents  puissants et fortement soutenus par leurs gouvernements, elle a voulu gagner de vitesse ceux qui tentaient de lui barrer la route.
Grâce à cette organisation, coûteuse mais complète et efficace, la Compagnie a obtenu des résultats qui n'ont rencontré partout, et spécialement à l'étranger, que des éloges.
-3 millions et demi de kilomètres chaque année, plus de 3oo voyages complets effectués de bout en bout entre la France et l'Argentine.
-27 millions de recettes commerciales en 1930, contre 17 millions en 1929.
-98 % des recettes postales aériennes françaises.
-25 Etats européens, africains ou sud-américains utilisant les services de la Compagnie.
-32 millions de lettres transportées en 1930, contre 22 millions en 1929.
Tels sont les résultats obtenus par l'Aéropostale.
Le prestige de la Compagnie, spécialement en Amérique du Sud est tel que le président de la République Argentine n'a pas hésité, au cours d'un voyage effectué le mois  dernier, à emprunter, pour ses déplacements un avions de la Compagnie.
Mais,
approchant chaque jour davantage du terme de sa convention, obligée de rembourser les obligations qu'elle a émises, la Compagnie, après de nombreuses démar ches auprès du gouvernement, a insister d'une façon spéciale auprès de lui sur les risques qu'une prolongation de cette situation pouvait comporter pour l'exploitalion  de la ligne.
Le gouvernement l'a si bien compris qu'il vient de déposer un projet de loi comportant une prolongation de la concession liant l'Etat à la Compagnie.
A cette occasion, des bruits plus ou moins bienveillants, tout au moins singuliers, commencent à circuler, bruits dont il convient de faire justice.
On critique la gestion de la Compagnie:
Que Lui reproche-t-on?
La silualion actuelle?
Il n'était pas au pouvoir des dirigeants de la Compagnie d'obtenir que le Parlement vote la convention de longue durée nécessaire.
Les déficits d'exploitation?
Ces déficits inhérents an démarrage de toute entreprise de transport à ses débuts sont bien loin de correspondre aux chiffres fantaisistes dont on a parlé et qui représentent moins de 20 % de la valeur de l'actif de la Compagnie. Ils peuvent, grâce d'ailleurs à la progression des recettes commerciales et aux dispositions de la convention actuelle avec l'Etat être récupérés en moins de trois ans.
La Compagnie a même la certitude que 1931 ouvrira la période des années bénéficiaires.
Quelles sont alors les autres fautes de gestion que l'on peut reprocher aux dirigeants actuels?
Malgré leurs demandes répétées, on n'a jusqu'ici fourni à ces derniers aucune précision à ce sujet.
Quelles pourraient d'ailleurs être ces fautes de gestion étant donné le contrôle permanent et direct exercé sur la Compagnie par les représentants du gouvernement.
La Compagnie tient à protester énergiquement contre les suspicions qu'on laisserait planer sur elle sans que des faits précis puissent lui être reprochés. Toute autre interprétation de la situation actuelle ne pourrait que servir les intérêts de l'étranger et ternir, hors de nos frontières, une oeuvre qui représente l'aviation française et le prestige de la France.
Veuillez agréer, etc...