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Retour vers la fin tragique de l'Aéropostale   L'AEROPOSTALE    

C'est en toute connaissance de cause que Marcel Bouiloux-Lafont s'est lancé dans cette aventure.
Maire d'Etampes (1912-1929), un des noyaux de l'Aviation française, il a fait de L'AEROPOSTALE une Victoire de l'aviation française (juin 1928)
et la suite on lit ci-dessous:

Par suite d'une incurie qui est, trop, souvent, la marque de notre régime, mais à laquelle, en l'occurrence, on pourrait sans doute trouver d'autres raisons moins innocentes, la convention du 2 août 1929 qui devait donner à l'Aéropostale les moyens de vivre si souvent promis, n'a  même pas encore, à l'heure actuelle, été soumise au Parlement, devant lequel elle devait venir D'URGENCE.

Dimanche 29 mars 1931 
LA VÉRITÉ SUR LA GRANDE LIGNE FRANÇAISE «L'AÉROPOSTALE» 
AU SÉNAT  Un grand débat sur la politique allemande   
A LA CHAMBRE L'Aéropostale   

LA VÉRITÉ SUR LA GRANDE LIGNE FRANÇAISE «L'AÉROPOSTALE»  TOP

Cette magnifique entreprise française, convoitée par l'étranger,  qui dessert vingt-cinq pays, relie trois continents, accroît notre prestige dans le monde, est mise en péril par l'inconcevable inertie du Gouvernement

Nos lecteurs, qui ont tous le souci de la défense nationale et du prestige du nom français, comprendront que nous tenions à nous associer à la campagne de salut public entreprise par l'Ami du Peuple en matière d'aviation, et à publier, en même temps que lui, cet article dont  l'urgence ne leur échappera pas.
On a beaucoup parlé, depuis quelque temps, de l'Aéropostale, mais en des termes qui, jusqu'ici, n'ont pas permis à l'opinion de se faire une  idée exacte de la question.
Telle qu'on l'a représentée, cette affaire a seulement donné au public l'impression cheuse d'un nouveau krach bancaire du genre Oustric  ou Devilder, bref d'une opération financière louche, des hommes politiques seraient encore compromis.
La vérité est tout autre, et puisque personne ne veut la dire, l'Ami du Peuple rompra seul, une fois de plus, cet étrange silence pour faire connaître au pays l'aspect réel de cette entreprise magnifique dont l'importance nationale est considérable et que, pourtant, l'inertie gouvernementale et l'incurie parlementaire sont en train de laisser péricliter pour le seul profit de l'étranger.

Mais d'abord, qu'est-ce que l'Aéropostale et à quoi est due sa situation critique actuelle?
A la fin de 1918, au moment de l'Armistice, M. Latécoère, précurseur audacieux, présentait au gouvernement français le premier projet de ligne commerciale aérienne devant relier la France à l'Amérique du Sud en passant par le Maroc et l'Afrique occidentale française. Anticipation si téméraire alors qu'elle pouvait paraître du domaine du rêve et se heurtait à une incrédulité presque générale.
Pourtant, l,e 25 décembre 1919 on inaugurait la ligne jusqu'à Rabat. En 1925, elle allait-jusqu'à Dakar. Et le, 1er mars 1928 était réalisée la liaison aérienne Toulouse-Buenos-Aires.
En 1929, enfin, la ligne était prolongée, pardessus la Cordillère des Andes, jusqu'à Santiago de Chili 13.600 kilomètres franchis en 9 jours au  lieu de 25 jours au moins.
Par avion, Casablanca est à 12 heures de la France, alors qu'il faut par bateau 75 heures, et le service est, depuis trois ans, d'une régularité telle que les voyages effectués, à raison de deux par jour, atteignent 99,7 % des voyages prévus.
Actuellement, vingt-cinq Etats, colonies ou protectorats utilisent les lignes de l'Aéropostale et ont fixé, par décrets, les surtaxes demandées par la Compagnie.
Mais on pense bien que tout cela ne s'est pas fait sans une longue et fort onéreuse mise au point. C'est le résultat de dix ans d'efforts et d'expérience.
Que l'on songe seulement que l'Aéropostale a doter ses 15.000 kilomètres de lignes de 46 aérodromes avec hangars et ravitaillement, et  de 70 postes de T. S. F., créés de toutes pièces dans les conditions les plus difficiles; qu'elle possède 8 bateaux, plus de 200 avions; qu'il lui a fallu étudier et construire des appareils appropriés; former des pilotes; passer des contrats nombreux avec tous les pays qu'elle survole, où  elle a des points d'atterrissage EXCLUSIFS, et cela dans les trois continents qu'elle relie et dessert.
Bref, sans parler des efforts et du travail fournis, le capital investi dans cette magnifique entreprise française -qu'on voudrait confondre avec une affaire Oustric!- atteint près de 300 millions.
Mais, dira-t-on, cette affaire était-elle viable, ou bien n'est-elle pas un gouffre financier il faut engloutir, sans cesse, de nouveaux capitaux  qui ne trouveront jamais leur rémunération?
A cette question, on peut répondre par un exemple frappant. Une des plus belles affaires du monde est, incontestablement, le canal de Suez.
Cependant, supposons qu'on eût arrêté la concession du Canal de Suez au bout de dix années d'exploitation sans aucun doute, cette affaire  eût sombré lamentablement, écrasée sous un passif énorme qu'elle eût été dans l'impossibilité d'amortir en un si court délai.
Telle est exactement aujourd'hui la situation financière de l'Aéropostale. On veut confondre à tort passif et déficit.
L'affaire est partie avec une concession de dix ans seulement, mais avec. la promesse formelle du gouvernement qu'une concession plus longue, en rapport avec l'envergure de l'entreprise, lui serait ultérieurement accordée.
Il ne s'agissait pas seulement d'une promesse. Le 2 août 1929, une convention fut signée par le ministre de l'air d'alors, M, Laurent Eynac, convention qui manifestement devait être soumise d'urgence aux Chambres et ratifiée par un vote rapide, puisqu'elle autorisait l'Aéropostale à émettre, au cours de l'année 1930, pour 250 millions d'obligations.
C'était pour elle le salut assuré.
Par suite d'une incurie qui est, trop, souvent, la marque de notre régime, mais à laquelle, en l'occurrence, on pourrait sans doute trouver d'autres raisons moins innocentes, la convention du 2 août 1929 qui devait donner à l'Aéropostale les moyens de vivre si souvent promis, n'a  même pas encore, à l'heure actuelle, été soumise au Parlement, devant lequel elle devait venir D'URGENCE.
On eût voulu étrangler l'affaire, pour servir des intérêts rivaux, qu'on n'eût point adopté une autre attitude.
Confiants dans les promesses gouvernementales, les directeurs de l'Aéropostale ont épuisé toutes leurs ressources et celles des banques qu'ils contrôlaient, pour faire vivre leur oeuvre, voulant croire malgré tout, jusqu'au bout, que l'Etat ne faillirait pas à ses engagements et qu'il  ne laisserait pas péricliter, avec une si inconcevable inertie, cette entreprise d'un intérêt français considérable, dont ils avaient été les hardis  pionniers, et cela juste au moment les résultats allaient enfin récompenser leur attente et leurs efforts.
Que l'on compare, en effet, seulement ces deux chiffres en 1920, l'Aéropostale a transporté 500.000 lettres en 1929, elle en a transporté 22  millions.
Or, ce chiffre de 22 millions ne représente même pas encore un pour cent du nombre total de lettres à destination des pays que la Compagnie  dessert!
L'Allemagne, d'ailleurs, ne s'est pas trompée sur l'avenir de l'affaire. La Kœlnische Zeitung  écrivait, avec envie et amertume, le 12 décembre  dernier «Cette ligne sera d'un grand profit. Le fret deviendra très important. Ces praticiens de l'aviation ont occupé à temps les meilleures places. L'Allemagne, malgré toutes ses dépenses, ne participera pas à ce trafic
Cette convoitise de l'étranger, mortifié de trouver la place prise par les hardis Français qui l'ont devancé, n'explique-t-elle pas bien des choses?
Le but à atteindre est de faire perdre à la France le bénéfice de son avance en faisant tomber les contrats exceptionnellement avantageux  qu'a obtenus l'Aéropostale du fait qu'elle a été la première!̃
Le moyen d'y parvenir, c'est de faire mettre l'Aéropostale en liquidation, puisque ainsi se trouveront résiliés, de plein droit, tous les contrats dont elle bénéficiait et qui handicapaient les nations rivales.
Si l'on ajoute qu'une telle manœuvre fait en même temps le jeu d'une grande banque internationale trop puissante dans l'Etat, qui entend garder la haute main sur les opérations financières avec l'Amérique du Sud, et qui, pour cette raison essentielle, souhaite ardemment la ruine de l'Aéropostale et de son groupe bancaire, tout devient malheureusement trop clair dans l'inexplicable attitude parlementaire.
On sait quels sont les appuis politiques de cette grande banque, on sait ce que ses opérations financières ont coûté de dizaines de milliards à  l'épargne française; l'Ami du Peuple, depuis vingt-huit mois, a apporté sur ce sujet toutes les explications nécessaires, en même temps que  toutes les preuves du forfait. Et les Français avertis comprendront tout de suite pourquoi M. Moch, M. Blum et leurs amis sont les plus  acharnés à cette besogne antinationale.

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AU SÉNAT  Un grand débat sur la politique allemande TOP 

On petit dire que toute la discussion budgétaire à été dominée par le débat qui s'est institué à propos des crédits des affaires étrangères.
Trois orateurs successivement, sur un mode différent -M. Henry Bérenger, réservé et diplomatique; M. Lémery, vibrant el émouvant M. Victor Bérard, dogmatique et précis ont évoqué la menace que la politique allemande faisait peser sur la paix du monde.
M. Briand, visiblement moins à l'aise qu'à a l'ordinaire, ne put cette fois se contenter d'entonner l'hymne à la paix il lui fallut, pour calmer de graves inquiétudes, donner des précisions sur ce qu'il entend faire. La réponse fut faible.
Quelle est l'attitude de l'Allemagne?
S'est-elle emparée de la politique de Locarno pour la paralyser ou pour l'appliquer loyalement?  demande M. Henry Bérenger.
Il est impossible de mieux poser la question.
C'est à cela que le ministre des affaires étrangères aura à répondre.
«L'attitude de l'Allemagne à l'égard de la paix nous préoccupe, ajouta qu'il s'agisse de moratoire, de Dantzig, de l'Anschluss, l'Allemagne a  multiplié les manifestations inquiétantes. Elle semble vouloir recommencer la politique prussienne d'absorption qui précédait 1870. Berlin  devient le point de cristallisation d'une Europe germanisée.
Après les accords méditerranéens, alors que nôtre diplomatie pensait se donner tout entière à la paix européenne, déclara M. Victor Bérard,  un coup inattendu de la diplomatie allemande est venu indiquer que l'Allemagne n'est pas guérie de la politique de Guillaume II.
Depuis le jour l'Allemagne a voulu imposer le Zollverein à l'Autriche encore pantelante, tout le monde sait que les accords économiques  austro-allemands ont toujours dissimulé des visées politiques. La France a reconnu dans le «coup de Vienne» le coup de Tanger, le coup, d'Agadir, avec toute la mauvaise foi qui se dissimulait dans la chicane. ETC.
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A LA CHAMBRE L'Aéropostale TOP


Ils étaient une vingtaine de courageux députés, hier matin, à la Chambre. Pourtant, ils avaient siégé jusqu'à minuit passé. Mais il n'est pas très certain que les vingt du matin étaient la dans la nuit. Bref, ces vingt-là s'occupèrent de l'Aéropostale. Le Sénat leur avait renvoyé un texte  qu'ils ne pouvaient plus guère reconnaître tant son séjour au Luxembourg l'avait transformé. Toutefois, c'est ce texte méconnaissable pour elle que l'assemblée fut invitée par la commission à voter.
Un premier adversaire du projet sénatorial fut M. Moch -̃M. Moch, cet administrateur socialiste d'industries caoutchoutières. Il cria haut qu'il ne donnerait pas son vote, lequel aurait pour effet de verser à l'Aéropostale des subventions majorées.
Protestation de M. Laurent Eynac contre cette interprétation du projet,, et attestation du ministre de l'air que le texte du Sénat reprend, en  somme, les dispositions financières adoptées par la Chambre. Effort persistant de sa part pour rallier l'assemblée à cette rédaction.
Le rapporteur de la commission de l'aéronautique aida le ministre et lui apporta ses propres lumières. Il rappela les malheurs de l'Aéropostale,
mais aussi sa gloire:
- Rien ne permet de penser, dit-il, que le déficit de cette Compagnie sera éternel. J'ai la certitude, au contraire, que petit à petit les subventions que lui verse l'Etat seront diminuées.
Et il exposa comment 23 millions pourraient être mis à la disposition du ministre, millions qui lui suffiraient pour assurer l'exploitation des lignes jusqu'au moment le Parlement les aura glementées.
Alors se leva M. Renaudel. M. Renaudel se lève toujours pour combattre quelque chose. Il combattit le projet du Sénat qui était devenu le projet du gouvernement. En cette langue extraordinaire qu'est la sienne, il prétendit démontrer que le contrôle prévu par le texte ne sera  qu'une illusion. Il parla longuement de certain emprunt que projetterait de contracter l'Aéropostale, information qu'il avait puisée dans un  journal et qui n'avait rien d officiel, et termina son discours par quelques-unes de ces phrases claironnantes et vides qui, à la Chambre, sont généralement applaudies.
Après une nouvelle intervention du ministre de l'air, la discussion générale fut close et l'on décida de discuter les articles du projet dans la séance de l'après-midi.

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Tout comme le matin, on revit à 3 heures l'administrateur de sociétés caoutchoutières Moch gravir la tribune. Il venait demander à la Chambre d'adopter son contre-projet, lequel était, en réalité, la reproduction du texte primitif de la Chambre, transformé par le Sénat. Il expliqua, avec  une nérosité d'adjectifs assez rare, la nécessité était la Chambre de faire preuve de sagesse en le suivant. 
La Chambre mit un certain temps pour signifier son congé à l'administrateur expert. Avant que de le faire, elle entendit d'abord le ministre de l'air puis le rapporteur la prier de ne tenir aucun compte des ingénieuses combinaisons de M. Moch. Au reste, M. Roux-Fressinenq se joignit à  eux et asséna à M. Moch une série d'arguments dont tout autre que lui se fût dit satisfait.
Mais à ce moment le ministre de l'air annonça qu'il venait d'être avisé que l'Aéropostale avait, une heure avant, déposé son bilan.
C'est donc avec un liquidateur qu'il me faudra traiter. Les crédits que va voter la Chambre seront mis à la disposition de ce liquidateur et ne pourront, à aucun moment, servir à renflouer la Société. Et, dans ces conditions, je demande de nouveau à la Chambre d'adopter le texte du Sénat, tout amendement à ce texte devenant inutile.
Le
contre-projet Moch fut, du coup, repoussé à une imposante majorité.
Avant le vote de l'article unique du projet, M. Tinguy du Pouet tint à marquer la position de la commission des finances dans l'affaire, et un court débat s'ensuivit sur le mode d'utilisation des fonds que le Parlement était appelé à voter.
Dans un effort désespéré, l'administrateur expert
Moch tenta de retarder ce vote par le dépôt d'amendements inacceptables, et l'ensemble du projet fut enfin adopté par 404 voix contre 182.
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