Une véritable explosion de haine s'en suivie.... page 3 du même journal    Le procès de mars 1933






LA POLITIQUE Contre-offensive

«Tel est pris qui croyait prendre».  Le grand scandale organisé contre M. Flandin et le gouvernement par le parti socialiste a tourné au détriment de ses auteurs. Les explications, largement données par M. P.-E. Flandin, lui ont valu les applaudissements  chaleureux de la majorité de la Chambre. Le ministre des finances a enseigné, en une  leçon, aux professeurs   de vertu, que leur métier a ses risques. Il s'est emparé de leurs verges et s'en est servi d'une poigne solide pour les fustiger rudement.
Mais le débat d'hier dépassa ce duel entre un parti et un homme. Le ministre attaqué n'a pas, en effet, borné à sa propre défense  sa  vigoureuse contre-offensive. . Si poignante qu'eût été cette séance, des hommes, face à face, se battaient, en se visant à l'honneur, elle n'eût été qu'un spectacle dramatique.   Mais le succès remporté, en définitive, par le gouvernement qui posa la question de confiance, modifie la situation politique de ces dernières semaines,  profondément.
M. Flandin, après avoir démasqué ceux qui noncent chaque jour «les tares du régime capitaliste et qui en vivent», a fait appel à son parti, pour qu'il en finisse avec «le sabotage du régime», pratiqué par les révolutionnaires. Et l'orateur a été entendu. Il a été suivi par une majorité de 340 voix contre 215. 

A la proclamation du scrutin, il aurait pu reprendre   certain mot de Clémenceau. Le second jour de l'affaire Norton, à la Chambre, les papiers utilisés contre lui la veille ayant été reconnus faux, ses collègues, après son discours, se pressaient nombreux   autour de lui pour le féliciter «Tiens, dit le leader radical, que son parti la veille avait abandonné, hier, je ne me croyais pas tant d'amis» Dans le nombre des siens, M. Flandin, hier, comptait des radicaux. Quarante s'abstinrent de voter avec MM. Blum et Renaudel.
Le mérite politique du ministre fut d'avoir prononcé  contre le Parti socialiste, qui se permet tout, les mots nécessaires. Les «bourgeois  »  de la Chambre, à sa voix, rompirent le cercle magique au milieu duquel, depuis plusieurs mois, se tenait, invulnérable, provocatrice ou dominatrice, la S.F.I.O., proclamant  son triomphe prochain. On a osé lui répondre, son attaque a été repoussée elle a été vaincue. Au centre, à droite, on s'était rappelé -il n'était que temps- que le programme du Parti comporte, avec les vacances de la légalité, le bouleversement des institutions on s'apercevait de la folie commise   lorsqu'on avait confié à ces adversaires résolus et adroits plus du quart des rapports du  budget, ceux, notamment, de l'aéronautique et des postes. Les modérés ouvraient les yeux.
Les leaders socialistes, indépendamment des coups personnellement reçus, sentaient quelle répercussion  aurait dans les milieux ouvriers cette phrase lapidaire illustrée d'exemples (nous la répétons  elle devrait devenir un refrain de propagande)  ils vivent du régime qu'ils dénoncent. L'angoisse doublait leur irritation de l'échec.
Ils ont tenté de se venger dans les dernières heures de cette séance de trente-trois heures. Ils ont pu retarder quelque peu le vote d'ensemble de la loi de finances ils en ont demandé une seconde lecture, tant était vif encore leur désir d'en ajourner l'envoi au Sénat.
Ce fut en vain. Tant bien que mal bouclé, le budget partit le soir pour le Luxembourg. On a mis au déficit le tampon d'un impôt sur les opérations de Bourse mais on compte sur la Haute Assemblée pour en débarrasser le budget, après l'avoir allégé de quelques centaines de millions de dépenses excessives.  La Chambre en arrive à laisser au Sénat le soin de cet équilibre que les excès des démagogues ne lui permettent pas d'établir. Elle bénéficie ainsi de leurs prodigalités et laisse à d'autres la responsabilité de la résistance et des économies. Heureux encore, que le Sénat accomplisse son devoir.
Les socialistes n'ont pu empêcher, cette fois, qu'il ne soit mis en mesure de le faire en temps voulu. Ils essaieront, lors de la navette, de prendre leur revanche. Ils vont redoubler de violence; ils reprendront difficilement, si les modérés veillent, la position dominante dont ils ont été délogés hier.