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Le procès Les Faux de
l'Aviation - mars 1933
Le procès "Les Faux de l'Aviation" dans lequel André Bouilloux-Lafont, le fils de Marcel Bouilloux-Lafont fut inculpé.
On est loin de
l'AVIATION et de l'AEROPOSTALE elle-même.
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La
totalité
du
procès
en mode texte
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PDF du 21 mars au 30 mars 1933 relaté par Georges Claretie, journaliste au Figaro Le procés consiste seulement à savoir d'où viennent ces pièces, vraies ou fausses peu importe. Une
affaire
où politiciens, ministres, policiers et espions
sont
embourbés jusqu'aux cheveux.
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![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() La totalité du procès en mode texte |
FIGARO MARDI 21 MARS 1933 source GAZETTE DES TRIBUNAUX L'AFFAIRE DE L'AERO-POSTALE Au banc des accusés: Des repris de justice, des escrocs, des maîtres chanteurs, des pseudo-journalistes, qui sont des informateurs de police, des faux policiers, qui se disent journalistes, un administrateur délégué d'une de nos plus grandes sociétés d'aviation aujourd'hui en déconfiture. Des pièces reconnues fausses par le faussaire disant: «C'est moi qui les ai faites.» Un autre disant «Je les ai reçues de bonne foi.» Et au-dessus de tout cela planant le spectre de la politique à tort ou à raison. Mais, signe effroyable des temps, ce lugubre procès montre le peu de confiance et l'écœurement qu'a l'homme de la rue du régime parlementaire actuel. Ceci, c'est la morale, ou plutôt la tristesse qui se dégage de ce douloureux procès. Pour les jurés, il est tout simple. Une vingtaine de pièces ont été, par M. André Bouilloux-Lafont, produites, promenées dans tout Paris, partout, dans tous les ministères, prouvant si elles eussent été vraies que MM. Chaumié et Lazare Weiller voulaient faire passer l'Aéro-Postale entre les mains d'une compagnie allemande. Toutes ces pièces sont fausses. «C'est moi, sauf une ou deux, qui les ai faites», répond un des accusés, Collin dit Lucco. Mais je les ai faites sous la dictée de M. Bouilloux-Lafont» Celui-ci répond «Je les ai reçues de Collin. Je les croyais vraies, parce qu'elles corroboraient ce que je croyais déjà, la collusion de MM. Chaumié et Weiller avec la compagnie allemande la Luft-Hansa» Voilà tout le procès. L'un dit «oui », l'autre dit «non». Certains avocats donnent de longues interviews avec leurs portraits dans les journaux. Sur la table des avocats des parties civiles, des montagnes de dossiers sont entassées. Dix ou douze jours de débats sont en perspective. Les accusés: Le premier sur le banc est Collin, dit Lucco, le faussaire. Figure curieuse, ressemblant à un Chinois moderne. Multiples condamnations, rappelle M. le président Texier: quatre ans pour escroquerie, puis six mois, puis six mois encore. Il est relégable et peut être envoyé à la Guyane. Son métier? Il est vague « Publiciste, représentant...». Il a collaboré au Cri du Jour. A ses côtés, M. André Bouilloux-Lafont. Maigre, sec. Parlant bien. Mais sans nulle émotion, d'une extraordinaire sécheresse. Il a été élève de Polytechnique, puis est devenu administrateur délégué de l'Aéro-Poslale, dont son père était président. Grosse situation, surtout pour un jeune homme. Plus loin, sur le même banc, de Lubersac, Picherie, qui ressemblent à deux vieux comptables grisonnants et fatigués, qui seraient partis pour l'étranger avec la caisse de leur patron. Bizarres, d'ailleurs, ces deux accusés. -Vous faites quoi? Des affaires?, demande le président à M. de Lubersac. -Non. Je réunis des gens entre eux... -Bref, vous vous occupez de toutes sortes d'affaires? -C'est exact. -Engagé dans l'armée russe, vous avez ensuite donné des «renseignements sur la Russie? -Oui, mais je n'ai jamais reçu un sou pour cela! Picherie: -Vous n'avez pas de situation... définie? -Si, je m'occupe d'appareils à jeux ! -Vous avez été condamné plusieurs fois, êtes relégable. Vous avez fait du chantage? -Si vous voulez ! Et M. le président Texier, après ces quelques questions, interroge M. Bouilloux-Lafont, exposant l'accusation que nous avons résumée. L'Aéro-Postale, dont M. André Bouilloux-Lafont est administrateur délégué, se trouve en difficultés financières. Il y a bien eu un contrat, prévoyant 250 millions d'actions à souscrire, mais il devait être, pour aider la Compagnie, ratifié par le Parlement. Il ne le fut pas. -Vous avez, dit le président, accusé de cet échec M. Chaumié, et conçu contre lui et contre M. Weiller de l'animosité... -Pas contre M, Weiller. En 1931, puis surtout en 1932, des accusations circulent contre M. Chaumié. M. Painlevé, entre autres, l'en avertit. On murmure qu'il aurait reçu des actions de la Luft-Hansa, c'est-à-dire de l'Allemagne, qu'il aurait cédé ces actions à M. Weiller, bref, dit M. Texier, «qu'il aurait reçu un pot-de-vin». -Cette accusation, demande M. Texier à M. Bouilloux-Lafont, vient de vous? -C'est exact. Je trouvais d'ailleurs très curieuse l'attitude du gouvernement. En 1932, M. Bouilloux-Lafont va dans les ministères. Il montre un album contenant des pièces accusatrices. M. Tardieu les voit et lui dit «C'est grave. Il faut une enquête. Cela finira devant la justice » M. Bouilloux-Lafont les montre à M. Guernier qui lui demande de les lui laisser. -Je lui ai dit, répond M. Bouilloux-Lafont, que je les avais fait expertiser, et que j'étais convaincu de leur authenticité. Si je ne les lui ai pas laissées, voici pourquoi: je les avais reçues de Collin, qui se disait attaché au 2° bureau et envoyé par ce service pour me mettre au courant des relations de Chaumié. -Raison de plus pour les laisser au ministre. -Non. Car je ne voulais pas voir étouffer l'affaire. Je considérais M. Weiller comme très fort (sic). Le ministre aurait remis pour enquête les pièces à des subordonnés qui auraient prévenu M. Weiller. Et puis, je ne voulais pas désobliger le 2e bureau qui m'avait, croyais-je, envoyé ces pièces. Je n'ai aucune suspicion contre le ministre, mais c'était de ma part un acte de prudence. De même, il ne laisse pas ses documents à M. Painlevé. -Vous suspectez tout le monde, réplique le président, sauf celui qui vous a remis les documents. M. Painlevé vous a demandé les pièces et vous avez refusé de les lui remettre. -Mais M. Painlevé était alors très malade. Il a regardé mes documents pendant deux heures et s'est plusieurs fois endormi en les regardant. Il m'a conseillé finalement de les remettre soit à la justice, soit au général Weygand, ce que j'ai fait. Et au ministre de l'air M. Bouilloux-Lafont affirmait l'authenticité de ses documents et lui disait «J'ai donné ma parole d'honneur de ne pas dévoiler leur provenance.» Lors de son premier interrogatoire, il a dit la même chose au juge d'instruction. Oui, parce que ce jour-là le juge saisi de la plainte de M. Painlevé, n'avait qu'une seule pièce dans son dossier ce que j'avais donné au général Weygand n'était pas là. Alors je me suis dit «C'est une manœuvre!» Ces documents, résume M. Texier, avaient pour but de prouver la forfaiture et la corruption de MM. Chaumié et Weiller. Ils disaient que M. Chaumié aurait touché 225.000 francs, que grâce à M. Weiller la Lufl-Hansa -l'Allemagne- mettait la main sur la Société Gnome et Rhône et sur nos lignes aériennes les plus importantes. -Oui, c'est ce que disaient les documents, répond M. Bouilloux-Lafont. Or, toutes ces pièces sont fausses. -Oui, sauf une ou deux, répond Collin, jusqu'ici muet, c'est moi qui les ai faites. Et un beau jour Collin alla trouver Merlo, dit Merle, journaliste, qu'il appelle «son maître», et il lui dit: «J'ai fait des faux. En voilà des photographies. Celui-ci les prit, les envoya à Mme Hanau qui les adressa au juge d'instruction. En quel monde vraiment sommes-nous! A tout cela M. Bouilloux-Lafont a répondu nettement, sèchement. Un couperet. Nulle émotion chez ce jeune homme accusé d'un très grand crime. Collin, dit Lucco, a davantage l'habitude des prétoires. Il répond nettement, mais en souriant. -Oui, j'ai fait tous ces faux. Je suis allé, comme journaliste, à l'Aéro-Postale. J'y ai vu M. Portait, puis M. Bouilloux-Lafont. Celui-ci m'a parlé des difficultés financières de la Société et de ses difficultés politiques. Nous avons beaucoup causé. Il m'a invité à déjeuner. Je lui ai dit que j'étais au service de M. Faux-Pas-Bidet, le commissaire de police. J'ai fait un article sur l'Aéro-Postale, que j'ai montré à M. Bouilloux-Lafont. Celui-ci m'a dit: «Tiens Tiens voire écriture ressemble singulièrement à une écriture que je connais.» Celle de M. Lazare Weiller. Et, alors, comme je me trouvais sans situation, il m'a dit qu'il pourrait m'en trouver une à l'Aéro-Postale, qu'il était puissant, qu'il voyait des ministres... -Et, alors, vous avez, comme vous avez dit à l'instruction, reconstitué des documents ? -Oui. M. Bouilloux-Lafont me disait «Ces documents existent.» Il me dictait, et j'écrivais. -Vous fabriquiez? -Oui. Je croyais que cela correspondait à des faits exacts. J'avais confiance en M. Bouilloux-Lafont. Je faisais des faux-vrais. Des faux-vrais ! Le mot est adorable. Et lorsqu'il s'agissait de verser au dossier des faux, par exemple des cartes pneumatiques, adressées soi-disant par M. Weiller à M. Chaumié, pour qu'elles puissent porter le timbre authentique de la poste, voici comme opérait Lucco. -C'était bien simple, dit Lucco. J'écrivais mon adresse au crayon. Je recevais le pneu j'effaçais mon nom et le remplaçais par celui de M. Chaumié, avec son adresse. -Bref, vous n'avez été, selon vous, que le secrétaire de M. Bouilloux-Lafont ? -C'est exact. Mais pourquoi donc ce bizarre Collin a-t-il été voir le bizarre Merle qu'on trouvait jadis mêlé au procès de chantage de Mme Hanau contre Anquetil? -Merle, dit Collin, connaissait l'affaire; je lui ai donné quelques photographies des documents. J'aimais beaucoup Merle. Je lui dis tout. Il m'a conseillé de partir, car j'étais devenu suspect. Il m'a offert pour cela 25.000 francs, mais à la condition de lui signer un papier me reconnaissant l'auteur des faux. J'ai refusé. Alors, il m'a dénoncé ou fait dénoncer par Mme Hanau. M. Bouilloux-Lafont, lui aussi, m'a offert 25.000 francs pour partir, mais à la condition de lui signer un papier disant que je lui avais remis les documents. J'ai refusé. Que de boue ! Et, se tournant vers M. Chaumié, au banc de la partie civile, très digne, très solennel, Collin s'écrie: -Je renouvelle ici à M. Chaumié tous mes regrets. M. Bouilloux-Lafont se lève. -Tout d'abord, je n'ai jamais offert 25.000 francs à Collin pour partir... Je l'ai connu lorsqu'il est venu à Aéro-Postale. II avait, me disait-il, des documents contre M. Chaumié. Collin était un jeune homme d'excellente famille. Il était agréable de parler avec lui. Il avait de la culture. Il s'est présenté à moi comme envoyé par le 2° bureau. Ce bureau que Collin appelle, tout court «le deuxième». -J'ai reçu ses pièces de la meilleure foi du monde, continue M. Bouilloux-Lafont. -Mais, réplique le président, n'auriez-vous pas dû en rechercher la provenance, les vérifier ? -Je croyais qu'elles émanaient du 2e bureau. Si j'étais allé là, on ne m'aurait rien dit. J'ai fait vérifier les documents par deux experts, avec une pièce de comparaison. Ils m'ont dit qu'ils étaient bien de l'écriture de M. Weiller. M. Bouilloux-Lafont, d'une voix très ferme, mais bien sèche, continue: -J'ai été imprudent. J'ai été trompé par Lucco. Mais j'étais de très bonne foi. J'avais su que M. Weiller avait acheté 45 millions d'actions de la Société Gnome et Rhône. Depuis, on m'a dit que l'opération était régulière. Mais elle m'étonnait. J'ai cru à une affaire suspecte, à une collusion. Or, les documents remis par Lucco m'expliquaient tout de cette collusion. Je pensais que les documents avaient été volés dans quelque service ou chez M. Chaumié, ou ailleurs. J'y ai cru. Elles m'apportaient les explications que je cherchais, et pouvaient servir à renflouer l'Aéro-Postale. Et se tournant vers la partie civile, comme Lucco, il lui dit à son tour: -Je fais, moi aussi, des excuses à M. Chaumié. -Mais, réplique M. l'avocat général Siramy, vous avez pour cela attendu dix mois ! Des pièces sont fausses que M. Bouilloux-Lafont a produites pour discréditer MM. Chaumié et Weiller. Lucco dit les avoir fabriquées, mais à l'instigation de M. Bouilloux-Lafont, et sous sa dictée. Celui-ci réplique les avoir reçues de bonne foi, les croyant vraies. Voilà toute l'affaire en quelques mots. Une centaine de témoins et dix ou douze jours de débats. Georges Claretie. *****************************************
MERCREDI 22 MARS 1933
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