Une victoire de l'aviation française  1928/06/17  
La liaison Europe-France-Amérique du Sud

       Retour    
 par Frantz-Reichel    
Premier journaliste européen à voler en avion (reporter du Figaro), et recordman du monde de durée de vol avec passager, avec l'américain Wilbur Wright comme pilote lors d'un vol réalisé au camp d'Auvours, près du Mans, le 3 octobre 1908.
Frantz Reichel pionnier du rugby en France 
La possession et le contrôle des lignes aériennes est pour l'avenir d'une nation d'importance capitale. Il est heureux et simplement glorieux pour la France, à ce sujet, que  ce soit elle qui soit sortie victorieuse de la lutte engagée entre notre aviation nationale et l'aviation allemande pour avoir le privilège de la liaison aérienne Europe-Amérique du Sud. D'après le Berliner Tagblatt, la mission allemande s'apprête à quitter Buenos-Aires elle a échoué dans ses négociations en dépit de l'intervention du chancelier Luther.
C'est donc à l'aviation française qu'appartînt de relier par la voie aérienne aéro-maritime, jusqu'à nouvel ordre l'Europe et l'Amérique du Sud. C'est un succès mérité, et il est particulièrement intéressant pour ceux qui doutent des possibilités de notre aviation d'être instruits de ce qui a été accompli par la Compagnie Générale Aéropostale  autrefois Compagnie Latécoère. 
C'est le 21 septembre 1919 que cette Compagnie organisait le premier tronçon de la ligne France-Amérique du -Sud, en reliant Toulouse à Casablanca, par des avions  qui couvraient quotidiennement, et avec une admirable régularité, les 1.845 kilomètres séparant l'une de l'autre ces deux villes.
Le 1" juin 1925, le deuxième tronçon était réalisé et les avions de la ligne reliaient désormais Toulouse-Dakar par Casablanca, par un parcours de 4.694 kilomètres. ̃
Le 1er novembre 1927 enfin, la ligne Natal-Buenos-Aires, longue de 4. 050 kilomètres, était organisée à son tour, représentant un total, avec les deux précédents tronçons de 9.345 kilomètres.
La jonction entre les tronçons France-Afrique et le tronçon de l'Amérique du Sud était établie le 1er mars 1928, par la collaboration mixte de l'hydravion et de l'aviso,  couvrant les 3.450 kilomètres d'un projet conçu en 1918.
On voit que la ligne France-Amérique est au total d'une longueur de 12.795 kilomètres. Elle fonctionne aujourd'hui d'une façon régulière. Depuis le 1" mars 1928, chaque  semaine sont régulièrement couverts, par les avions, hydravions et avisos de la Compagnie Générale Aéropostale, les 25.590 kilomètres de Toulouse-Dakar-Natal- Buenos-Aires et retour.
Pour réaliser une telle ligne, il a fallu vaincre d'innombrables difficultés. Il est facile sur le papier de tracer, un trait qui unit cités et continents en réalité,  c'est une tâche extrêmement compliquée qui demande autant d'ingéniosité que de méthode et d'énergie.
Depuis le 1er mars 240.000 kilomètres ont été couverts sur le parcours Natal-Buenos-Aires, qui est équivalent au trajet Paris-Bagdad. Sur le parcours total de la ligne Toulouse-Buenos-Aires, la distance couverte depuis le 1er novembre est de l'ordre de 300.000 kilomètres. Que l'on tienne compte de ce que, chaque vendredi matin, de Toulouse, part un courrier qui est régulièrement rendu à Saint-Louis, le samedi, et qui, alors que le trajet maritime est effectué par les bateaux en 5 jours en moyenne, Natal-Buenos-Aires est couvert par les avions en 1 jour et demi, et souvent dans la même journée. La gularité a atteint ces derniers temps cent pour cent. 
Le personnel affecté à ce service comprend outre les chefs de bases 72 pilotes, 200 mécaniciens, 50 radios, 400 manoeuvres, 40 officiers de marine, 300 marins. Le  matériel se compose de 200 avions, 10 hydravions, 500 moteurs, 6 avisos rapides, 4 dépanneurs, 6 vedettes, 3citernes à mazout, 2 citernes à eau. Des milliers de lettres sont depuis deux mois échangées entre l'Amérique et l'Europe par ce nouveau moyen de transports. Le temps employé a été au cours des premiers voyages de 15 jours en moyenne, ensuite de 11 jours, et enfin de 10 jours. Avant l'expiration des 6 mois prévus pour la mise au point de la ligne totale, le service sera assuré en moins de huit 
jours. En effet, dès que le personnel se sera familiarisé avec ce matériel, que les vols de nuit seront rendus plus fréquents par la pratique,que les postes de T. S. F. particuliers seront autorisés sur tout le parcours, car actuellement il n'est possible d'utiliser que les postes officiels, et que la question de la traversée de l'Atlantique  entièrement par les hydravions sera résolue, le gain de temps sera doublé. Dans son état actuel la ligne Europe-Amérique du Sud bat de loin le temps des bateaux les plus rapides. Exemple: Les lettres postées le 17 avril à Buenos-Aires, et parties sur un des bateaux rapides, n'ont été distribuées à Paris que le 7 mai. Le courrier posté par les airs à la me date à Santiago-du-Chili qui n'est pas encore relié par avion à l'Argentine, et met pour y parvenir par voie ordinaire 2 jours est arrivé par la voie des airs à Toulouse le 30 avril, et à Paris le 1er mai. Et ce gain de 6 à 7 jours sur les moyens de transport les plus rapides, est doublé lorsqu'on emploie les bateaux ordinaires qui mettent en général de 26 à 28 jours.
Il nous a paru singulièrement intéressant, particulièrement instructif et réconfortant, d'insister sur l'oeuvre accomplie par une Compagniefrançaise qui a si bien servi le  prestige du pays et son expansion économique.  source