Quand le 10 avril 1931, Trippe (fondateur de Pan American
World Airways) répondit, accusant
réception et confirmant tous les points, la question était à
l'ordre du jour car Bouilloux-Lafont n'avait pas réussi à
obtenir l'aide de la Chambre des Députés et avait été obligé de
demander la "liquidation financière" le 31 mars 1931.
Par la suite, il apparut que les rapaces arrivaient pour
dévorer les restes de l'Aéropostale et de la SPELA mais ce festin devint plus compliqué par le fait
que l'autre partenaire français de la SPELA, - Gnôme et Rhône
avec ses 50 % des parts -, désirait conserver certains de ses
avantages. En mai 1931, selon les documents archivés à Londres,
Trippe avait eu des discussions avec Martin
Wronsky de la Lufthansa et avec Eugène Dingeman,
représentant Paul Valère, probablement Paul Louis Weiller de
Gnôme et Rhône. Pendant ce temps, les Français envisageaient de
permettre aux intérêts anglo-américains de prendre les 50 % de
parts de Bouilloux-Lafont dans la SPELA.
Le 31 mars 1931, c'est sur un
simple coup de plume - ou pour être plus précis, par la
défection du Gouvernement français de prendre la plume en main -
que le rêve fut brisé sans émotion.
La non ratification de la convention couvrant la
subvention à long terme ruina Bouilloux-Lafont. Par erreur, il
avait admis la promesse de Laurent Eynac (Il fut le premier ministre de
l'Air, ministère créé par décret en 1928) comme
étant une promesse solennelle gouvernementale mais le contrat ne
fut jamais ratifié par la Chambre des Députés. Bouilloux-Lafont
n'avait pas attendu le mouvement des rouages bureaucratiques et
avait concentré ses propres ressources, jointes aux emprunts
publics, sur l'Aéropostale. Maintenant, il fut obligé d'investir
tous ses biens. Les plans d'équipement furent abandonnés. Le
réseau des routes aériennes fut réduit et les pillards
arrivèrent. Son équipe resta loyale mais sans pouvoir pour
l'aider. Une exception dans la loyauté fut Daurat, qui avait été
la force conductrice persistante dépeinte dans les ouvrages de
Saint-Exupéry et dont le rejet de valeurs humaines conduisit à
la désaffection des pilotes qu'il commandait. Daurat fut obligé
de quitter la Compagnie.
Des quatre éléments essentiels, il n'en restait qu'un à
Bouilloux-Lafont, son personnel, mais celui-ci ne put rien faire
pour lui, et, à la suite de l'examen de publications
ultérieures, il apparaît que Daurat travailla à discréditer son
ancien patron.
En 1934, l'Atlantique tout
entière aurait pu être le domaine de Aéropostale. Paris aurait
alors été à 24 heures de vol de New York et les navires
ravitailleurs allemands, lancés en expérimentation Nord
Atlantique au milieu des années 1930, seraient devenus périmés
au départ.
Mais tout ceci n'était qu'un rêve. L'entreprise dynamique de
Bouilloux-Lafont fut anéantie le 31 mars 1931. Le Laté 38
pourrit à Biscarosse et le pauvre Marcel fut bien près de sa
destruction totale, Jean Mermoz abandonna tous les projets qu'il
avait établis en contemplant la carte de l'Atlantique Nord. La
SPELA fut réduite à rien et elle fut dissoute par les portugais
suite à la défection du Gouvernement français qui contrôlait
alors l'Aéropostale. Et l'accord Tripartite se désagrégea.
En 1934, la Lufthansa, associée à sa filiale brésilienne "Syndicato
Condor", utilisant les navires ravitailleurs pour
compenser l'autonomie restreinte du Dornier WAL a ouvert le
premier service transocéanique régulier du monde. Cet honneur
aurait pu facilement revenir à l'Aéropostale deux ans plus tôt.
Marcel Bouilloux-Lafont mourut à Rio en 1944, ses rêves anéantis
et oublié de tous, sauf de ceux qui le connaissent et qui
chérissent la mémoire d'un grand Français. source
Le festin: LETTRE
OUVERTE
AU
DOCTEUR ECKENER mai 1931,
Les rapports ECKENER LATÉCOÈRE janvier 1932, Le cercle de liaison M. Léon Blum, M. Camille Aymard,
Mme Hanau, M. P.-L. Weiller octobre 1932 etc. RETOUR dans le texte